L'Ajoie de marcher

Flore

Forêts d’Ajoie

L’Ajoie est un terroir riche en forêt

La forêt couvre plus de 40% du territoire régional. Au niveau national, ce taux de couverture se limite à un petit tiers de la surface du pays.  Le tracé du sentier du 100 ème anniversaire de la section Jura du Club Alpin Suisse traverse à de nombreuses reprises un milieu forestier qui mérite notre gratitude et notre émerveillement.

Au service de l’homme durant des millénaires

Avant la présence de l’homme dans cette région, plus des neuf dixièmes de ses sols sont couverts de forêts. Les Romains, puis les Burgondes, commencèrent à défricher le fond des vallées.

Au Moyen Age, des moines conduits par Germain, Randoald et le mythique Fromond continuent ce travail. Progressivement, le paysage est parsemé de clairières :  les premiers pâturages et champs cultivés.  Des villages s’installent le long des ruisseaux ou près de sources en Haute Ajoie.

Longtemps, la mise en valeur de la forêt par l’homme permit d’offrir aux habitants les ressources permettant de survivre, du bois pour le chauffage et la préparation de son alimentation, des poutres et rondins pour l’habitation, des outils ou ustensiles à divers usages. La hache est un outil précieux.  La forêt était une source de nourriture importante (gibier, baies, champignons, également des glands pour nourrir les cochons, les feuilles de frêne comme fourrage d’appoint, le feuillage au sol comme litière pour le bétail et les faînes (fruits du hêtre) consommés même par l’homme en période de disette. Plus tard, l’usage de plus en plus intensif des ressources forestières, notamment le bois à des fins artisanales et préindustrielles (charbon de bois) plongea la société d’alors dans une première « crise des ressources ». Le Prince-Evêque, résidant à Porrentruy, en 1755, prend des mesures de gestion drastiques : plus de défrichement et interdiction des coupes rases. Un peu plus d’un siècle plus tard, la première loi forestière nationale donne un élan séculaire pour une gestion plus durable et, bien patiemment, donne à la forêt jurassienne sa forme actuelle. Un coup d’œil sur l’Ajoie, au Montgremay, par exemple, montre bien une belle ceinture de forêt qui longe la frontière ainsi que les nombreux massifs forestiers séparant les différents bassins versants de la région. Villages, champs et forêts sont bien délimités.

A la découverte d’une forêt, presque idéale

Le parcours alterne, donc : d’abord une vue lointaine de la forêt ; puis son approche permet parfois de longer des lisières et de prendre conscience de leurs richesses puis enfin de la pénétrer.

Une belle lisière offre une entrée de choix. La luminosité et la chaleur du soleil sur les bords de la forêt lui permet de bénéficier d’une végétation riche et variée avec sa litière, sa végétation herbacée, puis ses arbustes (noisetiers, troènes, cornouillers, charmes, églantiers et autres). La présence de ces arbustes protecteurs lui permet d’être un lieu de richesse en végétaux, comme en animaux : petits et grands mammifères, oiseaux, lézards, batraciens, insectes et autres couleuvres. Les fagots de branches mortes et les tas de pierres dans la lisière donnent des coups de pouce supplémentaires à ce déploiement de vie. La mise en place de telles structures est vivement recommandée par les forestiers.

La forêt est la plupart du temps organisée en étages (ou strates), souvent bien visibles. Les principaux sont :

  • Le sous-sol, domaine des racines et d’une faune très diversifiée, notamment celle des terriers et de tous les organismes préparateurs d’humus,
  • La strate muscinale, qui permet de maintenir le sol humide, formé par la litière de feuilles mortes, les mousses et les champignons
  • La strate herbacée, composée de plantes de faible hauteur : fleurs, fougères, baies (myrtilles, framboises, mûres, etc.)
  • Les arbustes qui occupent l’espace jusqu’à une hauteur de 5 à 6 mètres
  • Les arbres qui occupent la strate supérieure qui peut atteindre plus de 30 mètres

Les forêts d’Ajoie sont en général des futaies à plusieurs strates.

Elle réjouit nos sens : odeur de l’humus après une pluie, gazouillis des oiseaux et chant du vent, framboises ou mûres dégustées, caresse des troncs calleux ou lisses, vision de cathédrale….

Différents types de forêts

La forêt la plus commune en Ajoie est la hêtraie. Le hêtre y est l’arbre dominant, il est accompagné d’essences variées comme le chêne, le charme, les érables, le frêne, le merisier, ainsi que des résineux comme le pin sylvestre.

La présence dominante du hêtre dans notre région est due à sa formidable capacité d’adaptation à des milieux divers et à ses qualités intrinsèques (pouvoir calorifique, qualité de bois d’œuvre), Ce n’est pas par hasard si l’homme a favorisé son développement. Le chêne, très présent en basse altitude (jusqu’à 500 m), laisse sa place au sapin pour accompagner le hêtre lorsque l’altitude augmente.

Le hêtre est également appelé l’arbre aux pinsons. Il a la réputation d’attirer en hiver des immenses groupes de pinsons du Nord qui se nourrissent des fruits du hêtre pour passer l’hiver. Les dortoirs à pinsons du Nord ont permis d’observer le vol de millions de ces passereaux en 2002-2003 à Villars-sur-Fontenais, en 2007 à Vendlincourt et en 2014-2015 à Bassecourt.

Les chênaies existent sur votre parcours, elles sont plutôt rares car leur présence est due principalement à la volonté de l’homme qui s’est évertué à les favoriser dans la perspective d’en faire du bois d’œuvre.

Des aulnaies, un type de forêt plutôt rare, peuvent être observées près des étangs de Bonfol par exemple.

Quel est cet arbre et comment « lire » la forêt ?

Nous pouvons reconnaître les espèces d’arbres à la forme des couronnes, à leurs feuilles, à leur écorce, à leurs fleurs ou à leurs fruits. Il est utile de se munir d’un guide qui synthétise le besoin de savoir des amateurs intéressés. Nous vous recommandons l’ouvrage de Philippe Domont (un Ajoulot !) : « Guide du curieux en forêt » aux éditions Delachaux et Niestlé. Qui ne présente pas uniquement les arbres mais permet de donner une première réponse aux multiples secrets de la forêt. Cet ouvrage est compact et léger et fournit une foule d’explications pratiques.

Et, si vous partez sans bagage érudit, écoutez le vent dans la cime des arbres et le chant des oiseaux…

Agriculture et flore des prés et des champs

Les terres agricoles couvrent une petite moitié de l’Ajoie. Elles sont relativement épargnées par un mitage paysager.

Dès le XIXème siècle, il existe une séparation stricte entre forêts et surfaces agricoles.

Le parcours traverse de nombreux domaines agricoles : fermes généreuses, dans les villages traversés, les champs étant cultivé dans un large finage agricole ; ou bien les fermes sont disséminées dans le paysage, en zone de montagne, et entourée de pâturages ou prairies. Peu d’endroits en Suisse offrent encore un si large terroir agricole que l’Ajoie.

La politique agricole fédérale a été déterminante dans les orientations prises par les agriculteurs dans la gestion de leur paysage et celle de la biodiversité.

Depuis la seconde Guerre Mondiale, l’agriculture a continué à modeler non seulement les paysages d’Ajoie, elle a profondément influencé la composition de sa flore, ainsi que la présence de la faune, les invertébrés en particuliers.

Les conditions cadres et la mécanisation de l’agriculture ont un impact sur la richesse de la flore

 En Ajoie, au début du XX ème siècle, le finage agricole était parsemé de haies et bosquets, et ponctués de nombreux arbres fruitiers haute-tige et des arbres isolés. De nos jours, beaucoup de ces éléments verticaux ont disparu.

Les causes principales de ces transformations ont été :

  • Faciliter la tâche de la mécanisation agricole, substitutive de main d’œuvre.
  • La disparition de nombreuses fermes et un exode rural important.
  • Le travail des champs toujours plus grands et « bien carrés ».
  • La lutte contre l’alcoolisme : l’Etat a subventionné l’arrachage de nombreux arbres fruitiers.

Et encore…

Les prairies fleuries ont progressivement fait place à des tapis végétaux plus uniformes.

Les raisons de cette situation sont diverses : l’engraissement des prairies, des coupes plus fréquentes ou, à certains endroits, des girobroyages intempestifs. Cela a été fatal à de nombreuses et belles espèces florales et causé une banalisation floristique des prairies de plaine et des pâturages de montagne. Actuellement, les Dents de lion, très présentes sont un symptôme de cet appauvrissement. La diversité et la richesse de la flore a donc payé un lourd tribut à la rationalisation de l’agriculture, à l’« érosion »  des vergers et à l’arrachage des arbres isolés qui ont modifié les paysages.

Ce n’est qu’à la fin du siècle passé (dans les années 1990) qu’un nouveau tournant est pris pour défendre la valeur écologique de sites rares et permettre une large biodiversité à s’exprimer. Dans cet esprit, la politique fédérale et cantonale a eu recours au subventionnement d’objets naturels (payements directs, réseaux écologiques, soutien aux prairies sèches ou humides). Mais la convalescence pourrait être longue.

Pourtant, dans certaines prairies maigres, sous les bromes (une graminée), l’œil averti peut encore repérer de belles orchidées, ici et là des Ophrys, des plantes qui, pour survivre, ont revêtu des camouflages d’insectes (de la mouche, du bourdon ou de l’abeille). Les Orchis ont eux, par contre, une floraison généreuse ; elle peut être militaire ou bouffon. Il est encore loisible d’observer Primevères élevées, Crocus ou Cardamine au printemps.

Le survol des champs en rase mottes, en hiver, est caractéristique du Busard St Martin. La Buse variable est bien présente et le Faucon crécerelles est reconnaissable à son vol stationnaire et à son piqué sur les proies repérées. Trois rapaces parmi d’autres. L’alouette fait encore entendre son cri.

Zones humides

Plusieurs plans d’eau et rivières jalonnent notre parcours, le Doubs, le lac de Lucelle, les étangs de Vendlincourt, ceux de Bonfol et de Damphreux, avant de franchir l’Allaine. Pour finir un parcours plus au sec, par la Haute Ajoie et les chemins de crête.

Nous concentrons notre attention sur les étangs, lieux riches en Nature et reposant pour nos sens.

Une partie du sol de l’Ajoie est tombée du ciel, il y a quelques milliers d’année (entre 25’000 et 12’000 années, en effet des nuages de loess provenant de régions périglaciaires ont été déposé sur une partie du sol d’Ajoie. Le «loess-argiles » est formé de particules de terre très fine. Il montre une double prédisposition : d’une part une forte capacité de rétention d’eau et d’autre part une imperméabilisation de ces mêmes sols. Les sols contenant des loess améliorent leurs qualités agricoles (comme en Beauce) mais là où certaines conditions sont remplies, des mouilles se forment puis des gouilles. La phase finale est l’endiguement de ces espaces pour en faire des étangs. Etangs de pêche, tout d’abord puis étangs de loisir, et enfin étangs protégés comme c’est le destin qu’ont connus les étangs de Bonfol ou de Damphreux.

Les étangs de Bonfol ont été réhabilités dans les années 1980 et ceux de Damphreux entre 2007 et 2011.  Les deux sont devenus des réserves naturelles.

Comme toute interface entre deux milieux (l’étang et sa rive), c’est un endroit riche en biodiversité. Les principaux végétaux que nous pouvons observer sont les Carex (ou Laiches), ils ont souvent une tige triangulaire, certains forment des mini-buttes, les touradans. Les roselières s’installent où l’eau n’est pas n’est pas profonde, permettant un abri pour les oiseaux nicheurs et le plus petit des mammifères d’Europe, la souris des moissons (5 gr), a été observé à plusieurs reprises.

Jean-Pierre Egger

 

Bibliographie, pour de premières découvertes :

Léger et introductif : Les mini-guide d’ASPO Birdlife sous :        www.birdlife.ch        boutique

Les arbustes

Les amphibiens

Les oiseaux de Suisse

Les orchidées de Suisse

Les poissons de Suisse

Les reptiles de Suisse

Sauterelles et insectes

5 Fr par brochure ou  30 Fr l’ensemble

 

Compact et introductif : à la Salamandre      www.salamandre.net

La nature en famille au printemps Fr 21.—existe également pour l’été, l’automne et l’hiver.

 

Introduction à la forêt :

P.Domont, Guide du curieux en forêt, Delachaux et Nietstlé

Guide Pratique et large couverture pour botanique

Guide Delachaux des plantes par la couleur, Delachaux et Niestlé

Société mycologique de Delémont et environ : Les Champignons du Jura

Présentation de la région