L'Ajoie de marcher

Histoire

La riante Ajoie, Pays de Porrentruy

Encastrée en territoire gaulois

Il suffit d’observer la carte nationale pour se rendre compte que l’Ajoie déborde des frontières naturelles de la Suisse à laquelle elle n’est rattachée que par une petite partie du Mont-Terri. Elle touche à trois départements français : Le Doubs (25), le Territoire de Belfort (70) et le Haut-Rhin. Les Ajoulots (habitants de l’Ajoie) et leurs voisins franc-comtois partagent le même accent, le même patois et ont des ancêtres communs, les Séquanes, cités par César dans sa Guerre des Gaules. Précisons que l’autre versant de la montagne, direction Delémont, était occupé par les Rauraques dont la capitale était Augusta Rauracorum, l’actuelle Augst.

L’Ajoie (l’Aidjoûe en patois jurassien et Elsgau en allemand) est constituée de trois parties: la Haute-Ajoie, la Basse-Ajoie et la Baroche où naît l’Allaine, rivière qui recueille la plupart des eaux de la région avant de se jeter dans le Doubs. Du point de vue hydrographique, elle appartient donc au bassin du Rhône.

Une longue histoire

La présence humaine est attestée déjà au Néolithique. Des fouilles entreprises dès 1840 ont permis de mettre à jour de précieux témoins du passé.

L’Ajoie était soumise à la juridiction temporelle du prince-évêque de Bâle résidant à Porrentruy depuis la Réformation. Curieusement, sur le plan spirituel, elle faisait partie de l’archevêché de Besançon sous l’ancien régime. L’évêché de Bâle, terre d’empire, comprenait alors l’actuel canton du Jura, le Jura bernois et le district de Laufon, soit ce qu’il est convenu d’appeler le Jura historique. En 1815, le ci-devant évêché de Bâle est rattaché à la Suisse et passe sous administration bernoise. Le premier janvier 1979, la République et Canton du Jura entre en souveraineté. Delémont, mieux centrée, est choisie comme capitale, de préférence à l’ancienne cité des princes-évêques.

Guerre de Trente Ans (1618-1648)

L’Ajoie a énormément souffert durant cette période troublée. Elle a subi les violences des belligérants, notamment des troupes suédoises; celles-ci incendient Alle, Fontenais et Courtedoux en 1634. En 1635, Porrentruy, occupée par les Impériaux, tombe aux mains des Français qui ne l’évacueront qu’en 1650. L’Ajoie ne se remettra qu’avec peine des conséquences de la guerre.

Révolte paysanne

De 1726 à 1740, de graves tensions surgissent entre le prince-évêque et la population. Pierre Péquignat, un paysan aisé de Courgenay, prend la tête du mouvement de contestation. Arrêté, il est condamné à mort, avec deux autres compagnons d’infortune, Frideloz Lion de Coeuve et Jean-Pierre Riat de Chevenez. Ils furent décapités devant l’hôtel de ville de Porrentruy le 31 octobre 1740, puis leurs corps écartelés, et les membres ensanglantés placés à l’entrée des mairies d’Ajoie, afin que chacun comprenne quel pourrait être son sort s’il lui prenait l’envie de poursuivre la révolte.

Devenu martyr et héros populaire, Pierre Péquignat inspira Jules Thurmann (savant et créateur de l’Ecole normale des instituteurs). Auguste-Ferdinand Feusier mit en musique ses paroles.

Les paysans sont révoltés,
Ils arrivent de tous côtés,
Ils ont l’audace de se plaindre
Et celle de ne pas vous craindre.
A la porte de Courtedoux
Ils sont armés, entendez-vous;
Petignat, chef de leurs cohortes,
Demande qu’on ouvre les portes.

Ferdinand Feusier, frère du précédent, composa une version patoise.

Nos tchaimps pai vos tch’vâs sont tripès,
Vos poues-sèyès lés vaint bâchaie.
E fât que tot çoli râteuche,

Nos champs sont piétinés par vos chevaux,
Vos sangliers les retournent avec leur groin.
Il faut que tout cela cesse.

Terre celtique

Les armoiries de l’Ajoie représentent la vouivre, monstre mythique à l’origine de nombreuses légendes. Lugnez a sa forêt de La Voivre.

Dans un passé lointain, les tendres collines ajoulotes étaient parcourues par des dinosaures qui pataugeaient dans une mer chaude et peu profonde. De nombreuses empreintes ont été retrouvées dans les environs de Porrentruy. Le culte druidique s’est maintenu longtemps et le christianisme naissant peina à l’éradiquer. Son souvenir subsiste dans plusieurs lieux-dits. Ainsi, la commune de Chevenez a son Autel des Druides. Près des Rangiers se dresse le Roc de l’Autel.

Langue, souvenirs et traditions

Le patois ajoulot est conservé vivant au sein d’une association très active dont le théâtre annuel fait salle comble chaque année. Cette langue aux sonorités rocailleuses et musicales, a ses glossaires, sa littérature, ses chansons. Elle a motivé de nombreux travaux de recherche.

I tchainte lo paiyis des Aidjolats,
Lai bèlle Aidjoûe, notre coénat,
Tiere de luronn’s et de rudes coyats,
Lo paiyis libre de Petignat.
(Léon Vultier)

Je chante le pays des Ajoulots,
La belle Ajoie, notre coin de terre,
Terre de luronnes et rudes courageux,
Le pays libre de Petignat.

Chaque année en novembre, la fête gastronomique de la Saint Martin est l’occasion de la mise en valeur de la tradition culinaire et des nombreux produits du terroir.

Le Musée agricole à Grandfontaine est consacré au patrimoine rural. Le Musée de la poterie à Bonfol évoque un riche passé artisanal. Cornol conserve la dernière saboterie de Suisse.

Les ruines des châteaux d’Asuel ou de Montvoie témoignent de l’histoire de la région. Le Sentier du Km 0 fait référence à la Première guerre mondiale.

Bernard Chapuis

Présentation de la région